Même si son parti joue désormais les seconds rôles, le président (LR) du Sénat refuse l’inéluctabilité d’une revanche entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen en 2022.
Retrouvez son interview dans Le Parisien du 24.11.2019
Alors que Marine Le Pen, cheffe RN, ne pense qu’à son match en 2022 contre Emmanuel Macron, Gérard Larcher, le président (LR) du Sénat, a plusieurs fois mis en garde, ces derniers mois, sur la « nécessité démocratique » de sortir d’un duel en 2022 qui serait le remake de la finale de 2017. Un sujet qui, confie-t-il parfois en privé, le préoccupe beaucoup.
Le duel annoncé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen en 2022, c’est une petite musique qui vous agace ?
GERARD LARCHER. Agacer n’est pas le mot. Il y a danger pour la démocratie si on la réduit à un choix binaire, mais aussi danger pour le pays de penser que tout se résoudrait à ce débat, surtout dans la période de crise profonde que nous traversons : crise sociale, crise identitaire, montée des populismes et des communautarismes. Je ne voudrais pas voir sur ma télévision, le soir du second tour de la présidentielle de 2022, l’image inversée de celle de 2017.
Avez-vous l’impression qu’Emmanuel Macron instrumentalise cette bipolarisation ?
Je me souviens que dans la dernière semaine des Européennes, il a lui-même caricaturé le débat entre progressistes et populistes ! Cette bipolarisation est dangereuse pour le pays. Un choix contraint, c’est une démocratie réduite.
À désigner son adversaire, Macron ne risque-t-il pas de choisir son successeur ?
C’est un des risques. Les choses ne se passent jamais comme prévu. Je vous rappelle l’élimination de Lionel Jospin en 2002; François Fillon était président de la République en décembre 2016 et c’est Emmanuel Macron qui est sorti du chapeau en mai 2017. Il faut se mettre au travail pour recréer un espace politique entre LREM et le RN. C’est le sens de mon engagement.
Le clivage progressistes/populistes n’est pas inexorable à vos yeux ?
Non. Et je trouve qu’Emmanuel Macron n’agit pas toujours comme un progressiste. Il ne réforme pas en profondeur l’économie du pays, ni sa fiscalité, il ne le prépare pas aux futures crises que nous pourrions traverser. Quelles sont les réformes structurelles qui ont été faites par le « nouveau monde »? Est-ce que le progressisme, c’est la verticalité? N’est-ce pas plutôt de faire plus confiance aux territoires? Le Président de la République s’est d’ailleurs appuyé sur les maires quand la République vacillait pendant la crise des Gilets jaunes.
Que pouvez-vous y faire concrètement ?
Au lendemain des Européennes, j’ai lancé des conventions thématiques de la droite et du centre, et j’en publierai la synthèse en décembre. Au travers du projet que nous devons préparer, des alliances que l’on peut construire, on doit retrouver la confiance des électeurs. C’est pour ça que je suis resté aux Républicains, et que je travaille au rassemblement des familles politiques de la droite et du centre.
La droite peut-elle sortir la tête de l’eau ?
Bien sûr! Notre maillage territorial est important, les élections municipales ne vont pas l’affaiblir. Sur 550 000 élus locaux, 60 % se disent proches de nous. C’est une trame extraordinaire pour reconstruire autour d’un projet, autour de celles et ceux qui devront ensuite préparer la présidentielle.
Vous pensez vraiment qu’il vous reste un espace politique avec ce président ?
Je le pense vraiment et je le ressens sur le terrain. Les électeurs ont horreur qu’on les enferme dans un non-choix.
Mais comment vous différencier ?
Nous pouvons parfois partager le même diagnostic avec la majorité mais nous n’avons pas les mêmes réponses. La majorité semble indifférente à la dette, aux déficits, aux efforts indispensables pour améliorer notre compétitivité. Nous n’avons pas la même vision de la décentralisation, ni du rôle indispensable des corps intermédiaires. Je ne souhaite pas abdiquer devant la montée des communautarismes, je veux renforcer notre communauté nationale. Je suis déterminé sur la laïcité : je veux que la loi puisse protéger la foi, tant que la foi n’entend pas écrire la loi. Je ne me satisfais pas de voir prospérer les zones de non-droit. Il y a un espace. En allant sur le terrain, je cherche à aller le reprendre.
Qui peut incarner le leadership à droite ? François Baroin ?
François Baroin réussit très bien comme président de l’Association des maires de France. Mais comme il l’a dit lui-même, il reste maître de sa décision et de son calendrier. D’autres personnes ont aussi de grandes qualités : Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Bruno Retailleau. On a des voix! Et c’est une richesse. Là, nous avons plus besoin d’un chœur que de solistes. Leur temps viendra, mais plus tard.