Dans la nuit du 1er au 2 décembre 2023, la commission des lois de l’Assemblée nationale a voté sa version du texte immigration. En revenant sur les principaux apports des sénateurs, les députés de la majorité assument un laxisme migratoire pourtant décrié, sondage après sondage, par une grande majorité de Français.
La grande loi immigration promise par Gérald Darmanin s’est transformée en une loi de la grande déconnexion. Grande déconnexion par rapport aux attentes des Français. Grande déconnexion aussi face à l’ampleur de la crise migratoire que nous connaissons et qui exige une action ferme et résolue pour reprendre la maîtrise de nos flux. Or, la commission des lois de l’Assemblée nationale s’est appliquée à détricoter l’ensemble des mesures que le Sénat avait introduites pour permettre cette maîtrise. Ainsi,
- La suppression de l’AME votée au Sénat, et sa transformation en AMU, aurait permis de ramener la France dans la moyenne des pays de l’UE pour ce qui concerne la prise en charge des soins des étrangers en situation irrégulière. En revenant sur cette mesure, les députés refusent de mettre fin aux pompes aspirantes.
- L’article 4bis a été modifié par la Commission des lois de l’Assemblée nationale afin de rétablir le principe de régularisation massive, supprimé par les sénateurs.
- L’article 4, que le Sénat avait supprimé parce qu’il facilite l’accès au marché du travail des candidats à l’asile de pays à haut taux de protection, a été réintroduit.
- Le principe de fixation des quotas migratoires, voté par le Sénat, a été vidé de sa substance. Les députés, délibérément, dessaisissent le Parlement de sa capacité à débattre, chaque année, sur le nombre de migrants que la France peut accueillir. C’est leur propre rôle qui est ainsi amoindri.
- Le délit de séjour irrégulier réintroduit dans le texte des sénateurs a été supprimé. Une fois de plus, la France se distingue de ses partenaires européens, qui pour la plupart sanctionnent le séjour irrégulier.
- Les sénateurs avaient durci les conditions qui ouvrent au bénéfice du regroupement familial, notamment en rallongeant la durée de séjour et d’âge du regroupant, ou encore en excluant de la réunification familiale les frères et sœurs du réfugié. Les députés sont revenus dessus.
- Les sénateurs avaient significativement renforcé les exigences en matière de maîtrise de la langue française, en créant notamment un examen de connaissance en matière civique dans le cadre du contrat d’intégration républicaine. Les députés ont largement affaibli ce dispositif.
- Les conditions d’accès à la nationalité avaient été durcies par le Sénat, notamment pour ce qui concerne l’allongement des délais avant acquisition de la nationalité par le mariage ou par la naturalisation. Tous les articles relatifs à ces durcissements ont été supprimés par la commission des lois de l’Assemblée nationale.
- Les sénateurs avaient systématisé le prononcé de l’OQTF et l’interruption du bénéfice de la protection universelle maladie pour les déboutés du droit d’asile ; les députés l’ont supprimé.
- Les sénateurs avaient exclu des dispositifs d’hébergement d’urgence les étrangers en situation irrégulière et les déboutés de l’asile. Les députés ont supprimé ce dispositif alors que le système d’hébergement d’urgence est saturé et que 2822 enfants dorment dans la rue.
Le texte du Sénat permettait de mettre fin aux appels d’air et aux pompes aspirantes. En détricotant le texte des sénateurs, les députés se vantent d’un retour du texte à « l’équilibre initial » qui n’a jamais été. En réalité, par naïveté, par lâcheté ou par aveuglement, ils condamnent la France à subir les grands déséquilibres qu’entraîne le chaos migratoire. Le ministre de l’Intérieur appelle à la « responsabilité » mais se heurte au mur de la division de sa propre majorité à l’Assemblée nationale et, après avoir défendu le texte du Sénat, défend un texte contradictoire avec celui voté par la Chambre Haute. « L’en même temps » ne permet pas de reprendre le contrôle de l’immigration. L’irresponsabilité, ce serait le vote d’un texte inutile, déconnecté de la réalité qui appelle pourtant une action résolue.