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« Un reconfinement total aurait des conséquences humaines très fortes. »
Gérard Larcher

« Un reconfinement total aurait des conséquences humaines très fortes. »

Pour Gérard Larcher le président du Sénat, le Parlement devrait être interrogé sur le choix ou non de reconfiner les Français. Il répond le 25 janvier 2021 aux questions du Figaro.

LE FIGARO. – Peut-on échapper à un troisième reconfinement ?

Gérard LARCHER. – S’il n’y a pas d’autres solutions avant la progression de la vaccination, on ne pourra pas y échapper. Mais tout doit être tenté avec des mesures intermédiaires. Un reconfinement total aurait des conséquences humaines très fortes, notamment chez les jeunes, de plus en plus en difficulté. La résilience des Français est formidable, mais nous devons être extrêmement vigilants, car nous pourrions être confrontés à des drames. Les gens ont besoin d’échanger et de se retrouver.

Comment percevez-vous l’état de la société française ?

Inquiète, avec un moral en forte baisse. Pour en sortir, il n’y a qu’un seul remède : retrouver la confiance. Elle ne peut naître que par la transparence et la proximité. La transparence est ce qui nous a manqué au début de la crise sanitaire ; la proximité, c’est ce que je ne cesse de réclamer : une gestion territorialisée de la crise. Plus on territorialise les réponses, moins on est en décalage avec les réalités du terrain. La centralité poussée à l’extrême est un facteur de blocage, y compris pour la stratégie vaccinale. Comme vient de le rappeler l’Association des maires de France, les élus locaux sont disponibles pour aider à la vaccination. Mais ils demandent aussi de la transparence sur la stratégie vaccinale et une information en temps réel sur les stocks et le calendrier.

« La société française est inquiète. Pour en sortir, il n’y a qu’un seul remède : retrouver la confiance. Elle ne peut naître que par la transparence et la proximité » GÉRARD LARCHER, PRÉSIDENT DU SÉNAT

Les alertes sur la nécessité d’un vrai dialogue avec les territoires ont été nombreuses depuis trois ans. Pourquoi le chef de l’État ne parvient-il pas à régler ce sujet ?

J’avoue ne pas comprendre. Le pays va mal et je veux qu’il s’en sorte. Mais, malheureusement, il semble que le courant a du mal à passer. Les élus sont des lanceurs d’alerte, des baromètres du quotidien. Quand le centre de vaccination, l’hôpital ou Doctolib ne répondent pas, qui répond ? La mairie. Emmanuel Macron comprend-il ce monde des territoires et des élus ?

Olivier Véran a fixé l’objectif de vacciner 70 millions de personnes d’ici fin août. Est-ce réaliste ?

Le ministre devrait se garder de telles annonces. Aujourd’hui, même si la vaccination progresse, on occupe encore les dernières places au niveau européen.

Notre pays est-il devenu une « nation de 66 millions de procureurs », comme le croit le président ?

Faudrait-il que tout le monde se taise ? Que la critique ne soit plus possible ? Que des interrogations légitimes soient immédiatement assimilées à des polémiques ? Que les réactions des élus de terrain soient confondues avec de la communication électorale ? Je pense le contraire. Le débat est indispensable, le contrôle par le Parlement de l’action du gouvernement est le socle de la démocratie. Je n’ai pas le sentiment d’être un procureur quand je m’interroge sur les avancées de la réforme de l’État ou la réduction de la dépense publique ; j’exerce simplement mon mandat de parlementaire.

Est-il encore possible d’engager des réformes ?

Si elles n’ont pas été faites en début de quinquennat, je doute qu’elles puissent se faire dans l’année qui vient. Nous n’avons plus que six mois utiles. Essayons de terminer ce qui est engagé : les réformes sur la sécurité globale et le texte sur les valeurs de la République…

Mercredi, le Sénat se penchera sur la prolongation de l’état d’urgence jusqu’au 1er juin. Peut-on vivre éternellement sous un tel régime ?

Le Sénat ne votera sûrement pas ce texte en l’état. La commission des lois proposera une prorogation de l’état d’urgence qui permette au Parlement de faire un bilan tous les deux mois et demi. C’est une question d’équilibre à trouver entre nos libertés et la santé des Français qui conduit à donner des pouvoirs exceptionnels au gouvernement dans un objectif de protection. Dans une démocratie, on ne peut accepter de limiter les libertés que sous le contrôle du Parlement. Par ailleurs, en cas de retour à un reconfinement strict, la question se posera d’un vote du Parlement pour l’autoriser ou non.

L’état d’urgence peut-il devenir une arme politique ?

C’est toujours une tentation pour les exécutifs !

Comment jugez-vous les relations actuelles entre l’exécutif et le Parlement ?

Perfectibles ! Nous avons d’abord un problème de culture de la relation entre l’exécutif et le Parlement. Le Parlement vote la loi et contrôle le gouvernement. C’est parfois oublié. Ensuite, nous avons un problème d’usage : la procédure des ordonnances est trop souvent utilisée par le gouvernement. 232 ordonnances depuis 2017, dont 83 pendant la crise sanitaire. C’est une augmentation de 140 % par rapport au quinquennat de Nicolas Sarkozy ! Enfin, nous avons un problème de procédure : quasiment tous les textes passent « en urgence », alors qu’Emmanuel Macron avait annoncé au Congrès, en 2017, qu’il voulait revaloriser le Parlement !

François Bayrou souhaite que la question de la proportionnelle intégrale soit tranchée par référendum. Est-ce judicieux ?

Je suis opposé à la proportionnelle, qui dégrade le lien de proximité indispensable avec les citoyens, favorise l’élection de députés « hors-sol » et donne aux seuls partis le choix des candidats et fragilise les majorités. J’ajoute que le calendrier me semble intenable quand on regarde les contraintes prévues par l’article 25 de la Constitution, et notamment la prise en compte de la démographie. Quant à la proposition de référendum, on ne sait déjà pas quand organiser celui sur le climat…

Où en êtes-vous du système de départage que vous construisez pour Les Républicains ?

Je reçois les candidats annoncés et ceux qui jouent un rôle important à droite et au centre. Je ne viens pas avec un système clé en main. J’écoute, puis je proposerai. Je me donne le printemps. Si un candidat ne s’impose pas naturellement, alors, après les élections de juin, Christian Jacob et moi-même proposerons aux instances de LR une méthode de départage tout comme aux autres formations de la droite et du centre.

Trois fédérations du Conseil français du culte musulman (CFCM) ont refusé de signer en l’état la « charte des principes » de l’islam de France. Comment réagissez-vous à leur annonce ?

Il y a cinq associations qui ont signé en étant d’accord notamment avec l’égalité homme-femme ou en reconnaissant le droit de changer de religion. C’est positif ! Quant aux trois associations qui, à ce jour, n’ont pas signé, laissons-leur un peu de temps. Si, au bout du compte, elles refusent de signer, elles devront sans doute quitter le CFCM et feront le choix délibéré de se placer en dehors des valeurs de la République, avec les conséquences qui en résultent. Elles devront alors faire l’objet, de la part de la République, d’une attention et d’une surveillance accrues.

Le Conseil d’État a suspendu la décision du gouvernement de geler la délivrance de visas liés au regroupement familial. Êtes-vous inquiet par cette décision ?

On ne peut pas continuer comme ça ! Il nous faut légiférer notre immigration, revoir notre droit d’asile et instaurer des obligations réelles de quitter le territoire. On a voté en 2018 le texte Collomb, qui est inopérant. On devait délivrer des titres d’asile en 60 jours, on est à 275 jours d’examen pour un dossier ! Outre une politique au niveau européen, il faut revenir à des accords bilatéraux avec les pays et n’apporter de l’aide qu’aux États qui facilitent le retour de leurs ressortissants sur leur territoire.