La commission d’enquête sur le narcotrafic, initiée par les sénateurs Les Républicains, a dressé un état des lieux accablant de la situation en France, la qualifiant d’État « submergé par le narcotrafic » et désarmé face à l’ampleur de la menace.
Dans leurs conclusions, les sénateurs constatent que le trafic de stupéfiants s’étend aujourd’hui partout (villes moyennes et zones rurales), à toutes les catégories sociales (avec la banalisation des drogues dures, la création de drogue de synthèse plus facile à produire et à distribuer) et par tous les moyens (structuration commerciale du trafic, utilisation des réseaux sociaux, développement de la livraison à domicile…).
Ils observent que les trafiquants sont des « opérateurs économiques agiles, inventifs », utilisant toutes les méthodes commerciales classiques pour développer leur business, s’adapter à la demande, aux contraintes et surfer entre les législations des différents pays (la réponse pénale restant souvent cantonnée au plan national). Impitoyables, ils pratiquent une violence sans limite et, désormais, grâce à leurs moyens colossaux, la corruption.
Face à ce déferlement, les sénateurs considèrent que l’État n’a pas engagé les moyens financiers, techniques et technologiques nécessaires pour lutter contre le narcotrafic.
Les territoires ultra-marins sont abandonnés sans plan ambitieux ni de moyens ciblés pour lutter contre les « mules » et l’entrée de la drogue sur leur sol. À la fois point de passage et enjeu vital pour les trafiquants, les Outre-mer sont, de fait, les premières victimes de leur violence extrême.
Le Sénat pointe également le décalage entre les discours et les moyens mis à la disposition de l’ensemble des personnels mobilisés au quotidien par la lutte contre le narcotrafic. A cet égard, les opérations « place nette » menées par le Gouvernement leur semblent emblématiques : il s’agit plus d’un outil de rétablissement de l’ordre public que d’une véritable lutte contre le narcotrafic. L’État mobilise ainsi du personnel en nombre – dont il manque par ailleurs – pour appréhender des « petites mains », qui ont intégré le passage en prison comme un incident de parcours. Mais les têtes de réseau ne sont pas identifiées et les filières ne sont pas démantelées.
Si les sénateurs ne qualifient pas la France de « narco-état », ils alertent cependant sur le fait que nous sommes proches du point de rupture. Ils appellent donc à un sursaut et formulent plusieurs préconisations.
- Mettre la procédure pénale au niveau de la menace que représente le narcotrafic :
- Créer un parquet national anti-stupéfiants (Pnast), qui sera la référence pour la sphère judiciaire et aura un monopole sur la gestion des « repentis » et des infiltrés « civils » ;
- Faire de l’Office antistupéfiants (Ofast) une véritable « DEA à la française » en lui donnant autorité sur les services de terrain en charge de la lutte contre le narcotrafic (police, gendarmerie et douane) ;
- Protéger le recours aux informateurs et étendre le statut des « repentis », seul moyen d’atteindre les têtes de réseau ;
- Durcir la procédure pénale, avec notamment la création d’un dossier « coffre » pour empêcher la divulgation des techniques d’enquête les plus sensibles.
- Considérer le narcotrafic comme une menace contre les intérêts de la Nation
- Donner sa juste place au renseignement dans cette lutte ;
- Renforcer la coopération internationale ;
- Se donner les moyens de la sécurité dans les outre-mer et sécuriser les infrastructures portuaires.
- Combattre la corruption :
- Mettre en place une organisation du travail rendant matériellement impossible la corruption des agents publics ;
- Lutter contre l’usage illicite des fichiers de police.
- Lutter de manière implacable contre tous les blanchiments :
- Systématiser les enquêtes patrimoniales et développer une approche globale du volet financier du narcotrafic impliquant à la fois les services d’enquête, les magistrats et l’administration fiscale ;
- Instaurer une procédure d’injonction pour richesse inexpliquée ainsi qu’une procédure de gel judiciaire et de saisie conservatoire des biens des narcotrafiquants.