A l’occasion de la suspension par le tribunal administratif de l’arrêté municipal du Maire de Langouët, au motif qu’un maire n’est pas compétent pour prendre des décisions sur l’utilisation de produits phytosanitaires, y compris au nom du principe de précaution, un pouvoir réservé à l’État, Jean Bizet, Sénateur (LR) de la Manche, Président de la Commission des Affaires européennes et Rapporteur de la Charte de l’Environnement en juin 2004, tient à rappeler l’intention du législateur lors de la définition du principe de précaution : l’incertitude ne devait en aucun cas conduire à l’inaction. Les articles 8 et 9 de la Charte de l’Environnement, faisant appel à un principe de proportionnalité et à une durée limitée de la précaution avant de s’en référer à la science (article 10), avaient permis d’adopter un principe de précaution équilibré qui trouva sa place dans notre bloc de constitutionnalité.
Or, nous assistons à une tendance de plus en plus marquée à la « gestion émotionnelle » des crises, dictée par les attentes d’une société gagnée par l’inquiétude et l’anxiété. Le principe de précaution est aujourd’hui brandi à tort et à travers, amplifié par un emballement médiatique qui empêche toute approche et toute réaction efficaces et coordonnées.
Cette tendance s’accompagne parfois aussi d’une disqualification de l’expertise scientifique, remise en cause au profit d’une perception avant tout « sociale » et « politique » des catastrophes.
Pour autant, une « déconstitutionnalisation » du principe de précaution, telle qu’elle est proposée par certains, ne semble pas une option raisonnable : elle constituerait un véritable recul pour le droit de l’environnement, sans pour autant remédier aux difficultés rencontrées actuellement.
En revanche, un meilleur encadrement est aujourd’hui indispensable pour exprimer plus clairement que le principe de précaution est aussi un principe d’innovation, puisque sa bonne application repose, en fait, sur le développement des connaissances scientifiques et de l’innovation.
Jean Bizet rappelle que le Sénat a adopté dès le 27 mai 2014 une proposition de loi modifiant dans ce but les articles 5, 7 et 8 de la Charte de l’Environnement.
Le vote favorable du Sénat contribuait déjà à envoyer un signal fort et positif à l’adresse de notre pays et de son économie expliquant que le principe de précaution porte en lui un principe d’innovation.
Or, cinq années après ce vote, Jean Bizet constate avec regret, faute d’une volonté politique clairement exprimée, que le sujet n’a pas évolué.